Quelles sont les règles de preuve du harcèlement moral ?
Le Code du travail et la jurisprudence édictent des règles spécifiques au domaine du harcèlement moral.
Depuis une réforme intervenue en 2016, le salarié ne doit plus que « présenter » des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral (Article L1154-1 du Code du travail).
La démonstration d’une situation de harcèlement moral n’est pas aisée pour autant.
Les juges sont en effet souverains dans l’appréciation de la situation qui leur est présentée par le salarié.
Quels éléments puis-je présenter à titre de preuve ?
Des mains courantes, des compte-rendu médicaux, des attestations, pourront être examinés par les juges.
« Ces éléments pris dans leur ensemble sont de nature à faire présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral, de sorte qu’il appartient à l’employeur d’établir que lesdits agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que cette situation est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement, ce qui ne ressort pas de la procédure. »
(Cour d’appel, Douai, Chambre sociale, 20 Décembre 2019 – n° 16/03232).
La Cour de cassation a rappelé récemment que la preuve du harcèlement moral ne doit pas uniquement peser sur le salarié.
Dans un premier temps, les juges doivent examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié.
Ensuite, si leur examen laisse présumer une situation de harcèlement, il doivent ensuite vérifier que l’employeur apporte la preuve contraire, c’est-à-dire montre que ces faits peuvent s’expliquer par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ainsi, la preuve du harcèlement moral ne repose pas uniquement sur le salarié.
La charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur
L’employeur doit démontrer que son comportement ne constitue pas des agissements de harcèlement et que ses agissements se justifient par des considérations extérieures à tout harcèlement.
Par ailleurs, le juge doit au préalable examiner dans leur ensemble (et non pas séparément), les éléments invoqués par le salarié sans pouvoir en écarter aucun, afin d’apprécier que ceux-ci permettent ou non de présumer l’existence d’un harcèlement moral. (Cass. soc., 8 juin 2016, no 14-13.418 – Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-18.328).
L’employeur doit examiner tous les éléments présentés par le salarié
Pour rejeter les demandes formées au titre d’un harcèlement moral, une cour d’appel avait retenu que :
- ni le maintien d’un salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail,
- ni le refus de mobilité professionnelle ni celui d’accorder des heures supplémentaires. Ne caractérisaient des méthodes de gestion ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’arrêt ajoutait que les conditions d’emploi du salarié n’avaient pas entrainé de dégradation de son état de santé, que les instances représentatives du personnel n’avaient jamais été alertées, que la régularisation tardive des heures de délégation s’expliquait par le retard de transmission du salarié et par le débat qu’il y a eu entre l’employeur et le salarié sur la possibilité de les prendre durant les arrêts de travail.
En conséquence, les juges de la Cour d’appel estimaient que la matérialité d’éléments de faits précis et concordants n’était pas démontrée.
Or en faisant cela, la Cour n’a pas examiné les éléments (médicaux notamment) apportés par le salarié et a fait peser la charge de la preuve uniquement sur ce dernier :
« en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait d’examiner les éléments invoqués par le salarié, de dire s’ils étaient matériellement établis, et, dans l’affirmative, d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l’existence du harcèlement moral sur le seul salarié, a violé les textes susvisés ».
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1168 du 9 décembre 2020, Pourvoi nº 19-13.470
La salariée a donc finalement eu gain de cause.
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